L’homme est en haut de son siège, porté
magnifiquement au-dessus des choses ;
la ligne qu’il trace avec ses épaules
est dans l’air aussi droite que la cime des blés.
Il va droit devant lui, en avant, en arrière ;
sa machine est en fer ;
elle est tirée par deux chevaux
qui sont des chevaux militaires ;
il est assis dessus comme un héros d’Homère.
Sa machine fait un bruit de guerre,
et on entend les sauterelles
qui essaient d’imiter ce bruit avec leurs ailes.
Les ciseaux d’acier grincent ; elles grincent pareilles
avec leur sécheresse à ces ciseaux d’acier ;
c’est quand la terre se fend : — il n’a que sa chemise
et elle est largement ouverte par devant ; —
dureté, sécheresse, c’est quand la terre se fend ;
la tige des épis tinte comme des tringles,
et, dans le ciel de tôle peinte,
le clocher dresse ses lames de fer-blanc.
Ramuz, Ferdinand, « Machine », dans La poésie suisse romande, Trois-Rivières, Écrits des Forges et Paris, Le Castor astral et les Éditions de l’Aire, 1993.